UNE RANDONNEE EN APPARTEMENT

Une randonnée aux fins fonds des confins de mon appart

(dimanche 22  mars 2020)



 

Nous étions 1 ce matin du dimanche 22 mars au départ de cette randonnée. Une journée entière de marche dans 46 m2 : comment notre groupe – étonnamment fort réduit par rapport aux affluences antérieures – allait-il tenir pendant une journée entière dans un espace aussi confiné ? Nous pouvions toutefois faire confiance à J., l’organisateur de cette sortie, qui, pour une fois, n’avait pas fui ses responsabilités et s’était enfin proposé pour mener la balade. Il faut dire que depuis plus de dix ans qu’il occupait les lieux, il devait avoir eu le temps de repérer le parcours. Il espérait simplement que personne ne serait en retard, lui en tête, car la journée promettait d’être longue.

 

  A 9h30, le groupe - c’est-à-dire Lui - était présent au Saut du Lit, lieu de départ remarquable par excellence qu’il se félicitait d’avoir choisi malgré la difficulté que présentait ce passage dès potron-minet. Ayant craint de décourager le groupe - c’est-à-dire Lui – il avait préféré concubiner jusque là pour être sûr d’être à l’heure et avait donc passé la nuit avec Lui-même : partager son lit avec Lui lui avait semblé une démarche tout à fait écologique en ces temps troublés. Ainsi tout le groupe - c’est-à-dire Lui – se retrouva frais et dispo pour ce saut, périlleux, sur les froides tommettes de la chambre.

 

Après une brève halte à la cascade de sa douche où il se félicita que la randonnée n’eût pas recueilli les suffrages de beaucoup d’AN, (celle-ci mesurant 70 cm sur 70, il ne voyait pas comment un groupe de 30 aurait pu y rentrer ensemble, cet épisode de toilette ayant pu dès le départ compromettre l’ensemble de la découverte des lieux), il se dirigea pieds nus vers la cuisine où il avait prévu une halte petit déjeuner pour tous - c’est-à-dire Lui -. Ami.e randonneur.se, tu seras peut-être surpris.e de voir que ton guide du jour ose marcher pieds nus, mais il faut dire que la sensation de fraîcheur sur ces tommettes marseillaises d’un beau rouge brique s’avérait tout à fait agréable pour débuter ce périple. Pour les plus frileux.ses qui auraient pu être incommodé.e.s par cette sensation matutinale, le café brûlant que J. offrit généreusement à tout le groupe - c’est-à-dire Lui – eut tôt fait de réchauffer les cœurs et de créer une saine ambiance de franche camaraderie au sein de la petite troupe du marcheur.

 

 

Dynamisé par l’effet de la caféine, le groupe n’eut aucun mal à gagner la fenêtre flambant neuve oscillo-battante (installée depuis peu par Jean-François, le cycliste des AN) qui s’ouvrit devant le magnifique paysage des jardins intérieurs des pâtés de maisons du centre ville de Marseille (on était dans le quartier des Réformés). Certain - c’est-à-dire Lui – put se pencher (ayant depuis une lointaine randonnée AN dans les Dolomites en 1987 vaincu son vertige), et d’un long travelling depuis son cinquième étage prit une grande bouffée d’air redevenu pur depuis que les immondes bateaux de croisière ne déversaient plus le virus d’un tourisme contaminant dans la cité phocéenne. Oui ! La ville était bien calme en ce matin de printemps : aucun bruit de moteur ne venait troubler la quiétude de ces confins de l’humanité. On aurait dit que la folie du Monde était suspendue.

       

Mais bien vite, J. mit fin aux rêveries du groupe - c’est-à-dire Lui - : il ne fallait pas traîner ! Le chemin était encore long : il fallait passer de l’autre côté du bar ! Contournement obligatoire si l’on voulait éviter de passer par-dessus ; la chose n’était pas impossible mais l’escalade n’était pas son fort et cela faisait longtemps qu’il n’avait pas suivi l’une des séances d’initiation à la varappe de Serge. Etant responsable du groupe - c’est-à-dire Lui – et rappelons-le toujours pieds nus, il préféra le détour même si celui-ci lui faisait perdre un peu de temps (mais après tout du temps n’en avait-il pas ?). Et puis, il avait une idée derrière la tête…

 

N’ayant par le passé – comme nous l’avons déjà suggéré – que peu souvent encadré des randonnées (c’était bien le malheur des associations où l’on venait plus facilement « consommer » que participer : il pouvait se le reprocher à lui aussi…) il avait réservé une surprise au groupe - c’est-à-dire Lui - : derrière le bar, son vélo, un vieux Mercier remis en état lui aussi par Jean-François (décidément ce garçon était précieux !), l’attendait ! La randonnée était mixte : marche et vélo ! Comme en Camargue ! Il n’était pas peu fier de sa surprise et son orgueil se flatta du petit effet qu’il produisit sur le groupe - c’est-à-dire Lui -. Les compliments fusèrent : « Quelle bonne idée !  - Un vélo dans l’appartement ! Au 5ème en plus ! Comment tu as fait ? » Lui, modeste : « Oh ! C’est pas grand chose, il ne pèse que douze kilos, j’ai l’habitude de monter les 122 marches avec lui sur le dos ! – 122 marches ! Que tu es fort !... »

 

Les éloges pleuvaient et il se serait bien félicité un peu plus longtemps de son initiative s’il n’avait pas fallu décider qui allait prendre le vélo en premier. La deuxième fenêtre était à présent ouverte et le guidon du vélo attendait son premier conducteur. Tous le poussèrent à ouvrir le bal ! Il ne voulait pas jouer les « leader » mais si on insistait… il se laissa convaincre et monta fièrement sur l’engin, pédalant sur place, jouant avec les vitesses pour simuler la montée de la Gineste ou de l’Espigoulier, sprintant dans les moments de plat ! Ce fut un grand moment de cyclo-confinement. Il se sentait libre ! Libre comme quand il sillonnait jadis les routes du département ! Il se surprit même à se laisser aller à réciter le texte de son prochain spectacle sur le vélo1 qu’il était en train de travailler.

 

Mais la mi-journée approchait et il fallait que tout le groupe - c’est-à-dire Lui – pût profiter de ce moment de cyclo face à la fenêtre. Comme nous étions 1, ce fut assez vite fait et nous pûmes repartir vers la troisième fenêtre où, en plein soleil, la pause repas fut décrétée. Quel bonheur de sentir la douce chaleur printanière inondant maintenant tout l’appartement pendant que le groupe - c’est-à-dire Lui – sortait les quelques victuailles achetées en quatrième vitesse la veille lors d’une dérogation de sortie.

 

Voulant définitivement se mettre le groupe - c’est-à-dire Lui – dans la poche et contrairement aux siestes trop brèves concédées par les organisateurs habituels, en particulier Christophe, il autorisa une sieste de … deux heures ! Peut-être le poids de sa nouvelle responsabilité, ou alors le fait que dans les confins on avait après tout toute licence pour dormir, lire, ne rien faire… il ne put fermer les yeux plus d’une demi-heure ! Ne voulant pas revenir –contrairement à certain dirigeant actuel de l’Etat- sur sa promesse « électorale » il décida de laisser buller le groupe - c’est-à-dire Lui – et en profita pour commencer le compte-rendu que vous êtes en train de lire.

 

     

   Cela lui prit pas mal de temps et il fallut que ce soit le groupe lui-même - c’est-à-dire Lui – qui l’incita à reprendre la route. Il restait tout de même trois ou quatre mètres à parcourir pour boucler le périmètre de l’appartement et se retrouver au point de départ au pied du lit baigné à présent par le soleil couchant. Bientôt la lune remplacerait l’astre de feu et viendrait avec douceur caresser son visage par la petite fenêtre au-dessus de ce lit.

Il eut alors une idée folle : inviter le groupe - c’est-à-dire Lui - à dormir tous ensemble sur place !

 

     

   Je ne sais pas pourquoi il ne formalisa pas son idée et n’invita personne. Peut-être voulut-il garder pour lui seul le souvenir de cette étrange et magnifique randonnée avec le groupe - c’est-à-dire Lui - aux fins-fonds de ses confins. Comme un songe. Etrange et pénétrant.

        S’y rendre :

        Chez soi. Tout simplement. Et sans écarts.

        A très bientôt … avec le Groupe !

 

Jacques                                          

                      


 

  Images et réflexions tirées de la toile (Alain)  

 

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