VINGT- QUATRE SIÈCLES VOUS CONTEMPLENT

Les collines du Rove avec Mireille, racontées par Jacques et photographiées par Sylvie

 

 

(16 janvier 2022)

 


Participants : Mireille, Sylvie, Bernadette, Françoise, Dabia, Ake, Marie-Pierre et Alain, Yveline, Hélène i, Michèle et Bernard, Jacqueline et Raymond, Jacques (Myrina, Sébastien-invité.e.s)


Rien n’est futile.

Bien sûr, c’est pour le plaisir, pour nous détendre, nous « entretenir », retrouver les ami.e.s, que nous randonnons tous les dimanches. Mais aujourd’hui dans ces collines au nord du Rove, scalpées par les incendies récurrents des cinquante dernières années, nous ne pouvons demeurer indifférents devant l’Histoire. C’est bien une randonnée entre passé et présent que nous propose Mireille, notre guide du jour, si attentive à l’empreinte des temps.

Dès la sortie du village, piqués par une température proche du minimum tolérable, nous nous élevons prestement vers la ligne de crête. La mer s’y devine au sud tandis que le panorama côté nord nous offre une vue imprenable sur l’étang de Berre, de Martigues aux Pennes Mirabeau en passant par Châteauneuf, Gignac-la Nerthe, Marignane… Au loin, Vitrolles et son rocher veillent sur ceux qui font la grasse matinée, épuisés par un long voyage. Elle est loin l’époque où cette région devait être couverte de forêts luxuriantes abritant des espèces encore préhistoriques. Aujourd’hui, les cheminées des raffineries, les pistes bétonnées de l’aéroport, le long serpent de l’autoroute qui éructe continuellement le bruit des moteurs, s’affirment nos nouveaux monstres. Au-dessus, surgis du ciel, fondent sur nous, en une noria à peine réduite par la pandémie, les oiseaux de métal des avions du couloir aérien de Marseille-Provence. Malgré la liberté que nous procure la marche, la prégnance du monde moderne s’impose à nous.

Poury échapper, il nous faut nous enfoncer dans le sol, laisser glisser notre esprit dans nos jambes, nos pieds, traverser la semelle et randonner sous la terre, nous enfoncer au centre de la colline en une épopée « julesvernesque » pour en exhumer le passé. Là sous nos pieds, se cachent ses vestiges : le tunnel du Rove, percé de 1911 à 1927 et fermé suite à un éboulement en 1963, relie la rade de Marseille à l’Etang de Berre ; seul signe de sa présence : cette friche sans constructions de Gignac-la-Nerthe, bien visible et cernée par les lotissements, témoigne de la présence du canal souterrain. Dans les collines et vallons que nous parcourrons l’après-midi, de nombreuses cheminées, les plus anciennes en briques rouges, les plus modernes en béton, émergent du sol. Ce sont les conduites d’aération d’un autre tunnel, ferroviaire celui-là mais aussi ancien, qui permettent au passé de respirer le présent.

Il est d’autres vestiges de l’Histoire que nous côtoyons, émergés, tout au long de notre randonnée : la chapelle Saint-Michel, que tout le monde connaît, mais où personne n’est jamais monté, puisqu’elle domine sur la gauche l’autoroute en allant vers Martigues. Le XII° siècle nous hèle ici jusqu’à cet édifice templier. Hier s’y rappelle encore à nous, car nous y croisons une ancienne AN (j’ai oublié son nom *) connue des plus anciens d’entre nous – comme quoi la diaspora du club a essaimé partout.

Puis, Mireille nous conduit (non sans nous avoir fait faire un petit supplément de descente et de montée sur une fausse piste !) jusqu’à l’oppidum de la Cloche qui, culminant sur ce massif de la Nerthe, garde la route de la Galine qui serpente à traversle massif pour ressortir aux carrières Lafarge de l’Estaque Riaux.

Là, dans cet ancien village du III° siècle av. JC d’où vingt-quatre siècles nous contemplent – malgré le souffle rauque et persistant de l’autoroute – encore ! –  nous pique-niquons, nous protégeant tant bien que mal d’un petit vent glacial qui s’est levé et contribue à une température coupant court à nos siestes flash habituelles.

Nous remontons le long du chemin de la Nerthe vers le XIX° siècle pour déboucher sur le site de Cossimont, ainsi nommé car La Coloniale puis Lafarge y extrayaient de la chaux à la fin du XIX° siècle. Ne demeure aujourd’hui qu’une ruine imposante (jadis colonie de vacances de Lafarge) aux murs altiers complètement tagués par des artistes de rue, avec un certain talent toutefois. Des arbres séculaires (platanes, cyprès…) entourent ce lieu agréable la journée mais certainement fantomatique la nuit. Les vestiges d’un énorme puits témoignent aussi d’une vie passée intense, évaporée aujourd’hui. Plus loin, à 500 mètres environ, de l’autre côté de ce bassin cerné par les collines, se dresse la ferme où se fabriquent les fameuses brousses du Rove. Nous contournons l’ensemble de cette cuvette désertique (nous sommes à 10 km de l’entrée de Marseille, nous pourrions nous croire sur les hauts plateaux de Kabylie !) pour revenir au présent du village du Rove, notre point de départ après quelques 5 heures et 17 km de marche.

Une rare et instructive randonnée à la rencontre des époques aux portes de la deuxième ville de France.   L’impression de revenir d’un temps parallèle.

Jacques                                 

* Dominique